Brève réflexion sur la morale catholique
On sait que la morale catholique se base sur deux fondements : (1) la volonté supposée de Dieu, traduite par une série de commandements dans la Bible ; (2) une certaine conception de la loi naturelle, "naturelle" devant ici être compris comme "physico-téléologique" : il s'agit de respecter - dans chacun de ses actes - les fins qui apparaissent dans la Nature (ex. : la sexualité a pour fin la reproduction). Il importe peu que ces fins soient ontologiquement réelles ou simplement un effet de perspective dû à la sélection naturelle. En effet, la sélection naturelle va - fort logiquement - privilégier les formes de vie dont le comportement et les configurations sont les plus viables et perennes. Or, puisque l'Eglise catholique entend protéger avant toutes choses la Vie, il va de soi qu'en préconisant un comportement pro-Vie, elle travaille à ce que nous ne soyons pas victime de la sélection naturelle.
Mais ne va-t-elle pas trop loin en exigeant que chacun de nos actes se conforme à cette loi naturelle ? Il semble pourtant bien suffisant que notre vie s'y conforme dans l'ensemble, même si elle ne s'y conforme pas, à chaque fois. Ainsi quel est le problème à se masturber, si à côté de cela, on a une vie amoureuse et familiale épanouie ? Je pense que même dans l'optique spécifiquement théiste ou déiste suivant laquelle un dieu nous aurait créé, il n'y a pas de faute morale à cela.
En effet, admettons, que Dieu a créé le monde avec un certain projet en tête : il créé les organes génitaux afin d'assurer la reproduction des êtres vivants, etc. Effectivement, si l'homme décide de son propre chef d'utiliser ses organes reproducteurs d'une autre façon, on peut dire, en un certain sens, et en mettant beaucoup de guillemets, que c'est "pervers" (autant qu'est pervers le fait de décapsuler une canette avec une cuillère ou d'utiliser ses organes masticateurs pour machouiller un chewing-gum). Mais pourquoi donc serait-ce mal ou immoral ???? (c'est, d'après moi, aussi immoral que de décapsuler une cannette avec une cuillère ou d'utiliser ses organes masticateurs pour machouiller un chewing-gum). Je veux bien que les catholiques se donnent pour règle de ne pas pratiquer la masturbation, l'homosexualité, la fornication, etc., de même que dans certains monastères on pratique le voeu de silence, etc. mais pourquoi utiliser de si grands mots comme "mal" et "immoral" pour désigner des pratiques qui, en tant que telles et si elles se déroulent entre adultes responsables, éclairés et consentants, ne fait un mal effectif à personne ? (pas même à eux).
On m'objectera peut-être que ces comportements sont dû à une immaturité affective. D'une ce n'est pas toujours le cas, ou en tout cas rien n'indique que cela soit toujours le cas. De deux, pourquoi réprimander les conséquences, si ce sont les causes qui posent vraiment problème ? Ainsi que l'affirme Ruwen Ogien (La panique morale), la seule raison légitime d'interdire, par exemple, la prostitution serait qu'elle soit cause d'injustices, non pas qu'elle en soit la conséquence (ce qui n'est pas toujours vrai d'ailleurs), car alors on se trompe de cible : interdire la prostitution ne supprimera pas l'injustice. De trois, selon quels critères juger d'une immaturité affective sinon justement selon des critères précisément issus d'une vision "physico-téléologique" de la morale de chaque acte ?
Prenons une image. Imaginons que je sois un biochimiste qui a pour projet de faire de la bière : je laisse fermenter du houblon pour cela, et j'ai une idée du résultat final que cela devrait donner. Imaginons cependant que la levure que j'utilise, au lieu de ne donner que de l'alcool, donne également un autre composé inattendu, mais parfaitement sans incidence négative sur la santé (des consommateurs de bière... et des levures elles-mêmes) et le goût.
- Le projet général (faire de l'alcool) est respecté. Il ne s'est juste pas déroulé exactement comme prévu dans ses étapes, mais je ne vais pas me plaindre. Le résultat est là.
- Le phénomène observé, non prévu, peut s'avérer finalement très intéressant à étudier et peut pourquoi pas déboucher sur des applications concrètes.
- Enfin, la levure n'a pas à faire de l'alcool et que de l'alcool juste parce que c'est mon projet à moi de faire de l'alcool, et ce même si elle était libre. Je ne peux pas lui reprocher d'être immorale, surtout si je n'ai pas trouvé un moyen suffisament efficace pour lui faire comprendre mes objectifs et leur pertinence pour leur petite vie... (à supposer qu'il y en ait bien une !).
Je ne crois pas trahir de trop la pensée chrétienne en proposant que nous sommes en quelque sorte comme la levure de mon expérience de pensée face à un Dieu qui serait en quelque sorte comme le biochimiste de mon expérience de pensée. Mais même si cette possibilité est une réalité, je ne vois pas ce que cela change à la moralité ou à l'immoralité des pratiques homosexuelles, masturbatoires et autres...
Ma métaphore a bien entendu ses limites, mais loin d'en saboter la pertinence, elle en renforce la force démonstrative :
- Ainsi, Dieu est supposé aimer chacune de ses "levures" personnellement. Mais justement, comment reprocher à quelqu'un que l'on aime d'être immoral, uniquement parce qu'il ne se comporte pas de la façon qui nous ferait plaisir à nous ? Aimer, cela suppose de laisser libre la personne que l'on aime de faire ses expériences et ses découvertes par elle-même et pour elle-même ainsi que ses semblables... Aimer personnellement, c'est aussi aimer en tenant compte de la personnalité de chacun.
- Dieu est supposé omniscient. Par conséquent, il savait que cet "épiphénomène" pouvait bien ou devait bien se produire. Donc ce n'est même plus vraiment pertinent de parler de phénomène "non prévu", "inattendu", à son sujet...
Ce qui vient d'être dit vise à montrer, entre autres choses, que l'homosexualité, la polygamie, etc. ne sont pas des comportements forcément immoraux. Toutefois, cela ne veut pas dire, bien entendu, qu'il faille donner un statut juridique a toutes sortes d'unions. Etant pour ma part un libéral, je suis de toute façon assez pour la suppression pur et simple du mariage civil, et son remplacement par un contrat dans lequel l'Etat n'a pas à s'immiscer, à l'image de ce que propose Christian MICHEL dans son article "Mariage, Pacs,... de quoi je me mêle ?", Le Québecquois Libre, n° 144, 15 juillet 2004.
Mais ne va-t-elle pas trop loin en exigeant que chacun de nos actes se conforme à cette loi naturelle ? Il semble pourtant bien suffisant que notre vie s'y conforme dans l'ensemble, même si elle ne s'y conforme pas, à chaque fois. Ainsi quel est le problème à se masturber, si à côté de cela, on a une vie amoureuse et familiale épanouie ? Je pense que même dans l'optique spécifiquement théiste ou déiste suivant laquelle un dieu nous aurait créé, il n'y a pas de faute morale à cela.
En effet, admettons, que Dieu a créé le monde avec un certain projet en tête : il créé les organes génitaux afin d'assurer la reproduction des êtres vivants, etc. Effectivement, si l'homme décide de son propre chef d'utiliser ses organes reproducteurs d'une autre façon, on peut dire, en un certain sens, et en mettant beaucoup de guillemets, que c'est "pervers" (autant qu'est pervers le fait de décapsuler une canette avec une cuillère ou d'utiliser ses organes masticateurs pour machouiller un chewing-gum). Mais pourquoi donc serait-ce mal ou immoral ???? (c'est, d'après moi, aussi immoral que de décapsuler une cannette avec une cuillère ou d'utiliser ses organes masticateurs pour machouiller un chewing-gum). Je veux bien que les catholiques se donnent pour règle de ne pas pratiquer la masturbation, l'homosexualité, la fornication, etc., de même que dans certains monastères on pratique le voeu de silence, etc. mais pourquoi utiliser de si grands mots comme "mal" et "immoral" pour désigner des pratiques qui, en tant que telles et si elles se déroulent entre adultes responsables, éclairés et consentants, ne fait un mal effectif à personne ? (pas même à eux).
On m'objectera peut-être que ces comportements sont dû à une immaturité affective. D'une ce n'est pas toujours le cas, ou en tout cas rien n'indique que cela soit toujours le cas. De deux, pourquoi réprimander les conséquences, si ce sont les causes qui posent vraiment problème ? Ainsi que l'affirme Ruwen Ogien (La panique morale), la seule raison légitime d'interdire, par exemple, la prostitution serait qu'elle soit cause d'injustices, non pas qu'elle en soit la conséquence (ce qui n'est pas toujours vrai d'ailleurs), car alors on se trompe de cible : interdire la prostitution ne supprimera pas l'injustice. De trois, selon quels critères juger d'une immaturité affective sinon justement selon des critères précisément issus d'une vision "physico-téléologique" de la morale de chaque acte ?
Prenons une image. Imaginons que je sois un biochimiste qui a pour projet de faire de la bière : je laisse fermenter du houblon pour cela, et j'ai une idée du résultat final que cela devrait donner. Imaginons cependant que la levure que j'utilise, au lieu de ne donner que de l'alcool, donne également un autre composé inattendu, mais parfaitement sans incidence négative sur la santé (des consommateurs de bière... et des levures elles-mêmes) et le goût.
- Le projet général (faire de l'alcool) est respecté. Il ne s'est juste pas déroulé exactement comme prévu dans ses étapes, mais je ne vais pas me plaindre. Le résultat est là.
- Le phénomène observé, non prévu, peut s'avérer finalement très intéressant à étudier et peut pourquoi pas déboucher sur des applications concrètes.
- Enfin, la levure n'a pas à faire de l'alcool et que de l'alcool juste parce que c'est mon projet à moi de faire de l'alcool, et ce même si elle était libre. Je ne peux pas lui reprocher d'être immorale, surtout si je n'ai pas trouvé un moyen suffisament efficace pour lui faire comprendre mes objectifs et leur pertinence pour leur petite vie... (à supposer qu'il y en ait bien une !).
Je ne crois pas trahir de trop la pensée chrétienne en proposant que nous sommes en quelque sorte comme la levure de mon expérience de pensée face à un Dieu qui serait en quelque sorte comme le biochimiste de mon expérience de pensée. Mais même si cette possibilité est une réalité, je ne vois pas ce que cela change à la moralité ou à l'immoralité des pratiques homosexuelles, masturbatoires et autres...
Ma métaphore a bien entendu ses limites, mais loin d'en saboter la pertinence, elle en renforce la force démonstrative :
- Ainsi, Dieu est supposé aimer chacune de ses "levures" personnellement. Mais justement, comment reprocher à quelqu'un que l'on aime d'être immoral, uniquement parce qu'il ne se comporte pas de la façon qui nous ferait plaisir à nous ? Aimer, cela suppose de laisser libre la personne que l'on aime de faire ses expériences et ses découvertes par elle-même et pour elle-même ainsi que ses semblables... Aimer personnellement, c'est aussi aimer en tenant compte de la personnalité de chacun.
- Dieu est supposé omniscient. Par conséquent, il savait que cet "épiphénomène" pouvait bien ou devait bien se produire. Donc ce n'est même plus vraiment pertinent de parler de phénomène "non prévu", "inattendu", à son sujet...
Ce qui vient d'être dit vise à montrer, entre autres choses, que l'homosexualité, la polygamie, etc. ne sont pas des comportements forcément immoraux. Toutefois, cela ne veut pas dire, bien entendu, qu'il faille donner un statut juridique a toutes sortes d'unions. Etant pour ma part un libéral, je suis de toute façon assez pour la suppression pur et simple du mariage civil, et son remplacement par un contrat dans lequel l'Etat n'a pas à s'immiscer, à l'image de ce que propose Christian MICHEL dans son article "Mariage, Pacs,... de quoi je me mêle ?", Le Québecquois Libre, n° 144, 15 juillet 2004.